mardi 12 décembre 2017

bonds et rebonds

Texte écrit pour l'Atelier d'hiver François Bon | Vers un écrire-film #1 (où l'on pourra lire les autres textes)


1’20 de vue aérienne sur l’île, le port, la ville verticale.  Gratte-ciel de Manhattan vus du haut. Réseaux routiers autoroutiers, lignes et boucles. Les voitures toutes petites. On reverra plus tard des tas de fois ces images dans les génériques des séries américaines ou dans les films. Mais la première fois  que tu vois Manhattan, c’est dans une banlieue de Londres, dans le Surrey, à la télé. Que tu entendras aussi cette bande-son. Une sirène de bateau, le pont, les sifflements sur fond de voitures qui roulent. Klaxons épars. Les sifflements toujours. Premières percussions. Quelque chose monte. Comme une musique. Une énergie. Un souffle.

1’21 : Manhattan plus bas, quartiers de « Hell’s Kitchen » (tu ne sais pas le nom les premières fois, ni tout ce qui s’y est passé). Terrain de jeux fermé par des grillages dans le West Side. La bande son plus dense.  Sifflements. Premiers claquements de doigts. Le terrain de basket. La musique commence (clarinette ?). Plan américain sur un blouson jaune adossé au grillage. Riff. Le chef des Jets, de profil. Un deuxième visage de Jet. Un troisième jusqu’à 7 jets, blancs et blonds. Immigrés polonais ou irlandais. Ils claquent les doigts.

1’51 : une balle rebondit sur le grillage. La musique s’arrête. Silence tendu : énergie ramassée, comme la balle. Les adolescents ont arrêtés leur claquement de doigts. Le plan s’élargit faisant entrer le lanceur de balle. Il est debout, les sept regards braqués sur lui. Il attend. Riff change sa jambe d’appui, fait un mouvement du menton. La tension retombe au moment où la balle est renvoyée. Mais tu comprends qu’ils pourraient bien être méchants. Riff fait un pas, se retourne vers sa bande, nouveau signe du menton.

2’07 : ils se mettent en mouvement. La musique suit leurs pas. Le terrain leur appartient. Plan large, travelling latéral. Caméra derrière les grilles. Les grillages, une prison ? Non. Une petite fille assise en tailleur dans un cercle de craie qu’elle quadrille/hachure/emplit consciencieusement avec un bout de craie blanche. Elle regarde la bande passer. À l’arrière plan, un enfant sur un vélo en sens inverse et un homme qui escalade le grillage. Sur un mur un graffiti BOBBI. Les couleurs de la ville : craie blanche sur gris des murs et de l’asphalte. 

2’31 : près du panier de basket, deux ados se font des passes, la balle est interceptée par les Jets, qui à leur tour se lancent la balle, deux autres bondissent à la verticale bras levés. Riff la rattrape, cesse le jeu – nouveau silence - se retourne vers le gamin, hésite, puis lui renvoie la balle. Scène ludique, euphorique, mais la tension toujours présente. Ramassée, prête à bondir.

2’47 : ils sortent du terrain – tu ne sais comment, tu as beau visionner ce passage plusieurs fois, un plan plus serré sur les jets se retournant vers le terrain de jeu fait le lien entre sur le terrain et la rue – 2’54 ils s’emparent de la ville – leur terrain de jeu un peu plus large. Travelling latéral le long du trottoir. Ils passent devant le garage fermé du n°243, deux passants immobiles tournent le dos et deux enfants en arrêt contre la porte du garage. Claquements de doigts s’arrêtent : la musique devient légère, Riff esquisse le premier mouvement dansé. La musique s’envole, s’emballe. La danse commence. Les talons se soulèvent, ouverture d’une jambe sur le côté, les bras et le buste s’ouvrent en se tournant vers la caméra. Deux danseurs, puis deux autres.

3’15 : les cuivres et l’artillerie lourde de l’orchestre symphonique : la musique explose après qu’ils traversent la rue. Yeah ! Le plan suivant attrape la chorégraphie sur le trottoir d’en face. Une superbe voiture grise file de gauche à droite derrière eux.

3’25 : ils dansent sur l’inscription JETS en blanc sur la chaussée. Tu n’en peux plus de rester immobile. L’énergie est passée dans ton corps également. 


3’27 : l’élan des sauts, les pas chassés, la musique joyeuse s’interrompent brusquement devant un nouveau personnage, pantalon noir, chemise rouge, poings serrés, immobile : Georges Chakiris. Tu ne sais pas encore que c’est le chef des Sharks, des Portoricains, le danseur dont l’énergie va réveiller ton adolescence. Silence tendu, chargé. Percussions menaçantes.



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